De la musique avant toute chose!!
Comme vous le savez, le groupe les chats s'évadent est composé de personnes en situation de handicap mental, d'éducateurs et de bénévoles. Il m'a été fait la remarque récemment que les personnes handicapées n'étaient pas suffisamment mises en avant lors de nos prestations. Alors, il m'est venu l'envie d'écrire cet article qui se veut moins une justification qu'une explication de ce qui fait sens dans cette histoire des chats s'évadent. A quoi aspirons nous, nous éducateurs pour les personnes qui nous sont confiées? qu'elles s'épanouissent? qu'elles soient le plus autonomes possibles? Qu'elles soient reconnues dans leurs droits, leurs désirs?.... Et si, pour un instant, on oubliait le cahier des charges institutionnel? Et si, pour un moment, à un endroit précis, on leur permettait de prendre une place où on ne leur rappellerait pas qu'ils sont handicapés.
Dans les chats s'évadent, il n'est pas nécessaire de montrer sa carte d'invalidité pour être accepté. Et si, comme c'est le cas aujourd'hui, il se trouve qu'il y ait plus de bénévoles et d'éducateurs que de "résidents", je ne vois pas où est le problème. Le fait que des musiciens extérieurs désirent intégrer ce groupe me semble plutôt réjouissant pour tous les musiciens du groupe, même si un saxophone sera plus dans la lumière qu'un djembé, ce qui me semble important c'est de jouer ensemble. La question de l'élargissement du groupe, son ouverture aux musiciens extérieurs a été abordée avec les personnes handicapées, lesquelles ont exprimé leur satisfaction de jouer avec d'autres musiciens. Il faut voir, derrière la prestation publique, le temps passé en répétition, les moments vécus qui constituent presque les temps les plus importants de ce que je qualifierais comme une aventure humaine. Les chats s'évadent rassemblent des musiciens qui se sont trouvés au fil du temps, qui se construisent des souvenirs communs, qui ont eu le trac en même temps, qui se sont réjouis en même temps du plaisir qu'ils ont pu donner en se produisant. Il y a des personnes handicapées qui jouent dans les chats s'évadent, et quand elles y jouent elles sont sur un pied d'égalité avec les autres musiciens, elles ont leur place, elles sont reconnues à cette place. C'est pas "l'école des fans", c'est chacun à son instrument, pour en jouer avec tout son coeur, en harmonie avec les autres parce que c'est ça qui compte. Trouver l'harmonie, faire ensemble. Faire un groupe constitué uniquement de personnes handicapées serait un autre projet. Dans les chats s’évadent je ne vois que des musiciens, et la barrière du handicap est à ce point dépassée que, ce qui semble une nécessité à certain : mettre la personne handicapée en avant, ne fait même pas question dans le groupe. Tout le monde est sur un pied d’égalité, si quelqu’un en doute en voyant le groupe, c’est parce qu’il pense au handicap avant de penser à la personne. Est-ce que dans les autres groupes on se demande si la choriste ne serait pas jalouse de la chanteuse et est-ce que ça nous viendrait à l’idée de dire : c’est triste pour elle, elle est moins dans la lumière ? D’une manière générale, et à mon avis personnel, il est important pour chacun de faire sa place dans le monde et pour ce faire d’accepter d’être ce que l’on est. Se sentir nécessaire même si on n’est pas premier violon de l’orchestre, partager ce que l’on est, ce que l’on sait faire et se savoir important à la place que l’on s’est choisi.
Pour illustrer ma petite démonstration, je finirai par une citation de Daniel Pennac qui, bien qu'elle image des élèves dans une classe, me semble s'adapter à cette situation aussi.
" Chaque élève joue de son instrument, ce n'est pas la peine d'aller contre. Le délicat, c'est de bien connaître nos musiciens et de trouver l'harmonie. Une bonne classe, ce n'est pas un régiment qui marche au pas, c'est un orchestre qui travaille la même symphonie. Et si vous avez hérité du petit triangle qui ne sait faire que ting ting, ou de la guimbarde qui ne fait que bloïng, bloïng, le tout est qu'ils le fassent au bon moment, le mieux possible, qu'ils deviennent un excellent triangle, une irréprochable guimbarde, et qu'ils soient fiers de la qualité que leur contribution confère à l'ensemble. Comme le goût de l'harmonie les fait tous progresser, le petit triangle finira lui aussi par connaître la musique, peut-être pas aussi brillamment que le premier violon, mais il connaîtra la même musique. »